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Le rôle de la moto au cinéma

9 mois ferme, diffusion du dimanche 28 janvier 2018 à 20h55

La rosserie de Dupontel associée à la fantaisie de Sandrine Kiberlain… Réussite élégante et burlesque. Critique : Pour On ne savait pas qu'il y avait, en France, un cinéaste capable d'égaler Blake Edwards dans son goût du burlesque et son art à transformer la grossièreté en élégance. Si : Albert Dupontel, jusque-là cinéaste original et incisif (Bernie, Le Créateur, Le Vilain), mais souvent freiné par la maladresse de son agressivité. Le voilà, soudain, transformé, très à l'aise entre rosserie et charme. Comme dans les grandes comédies américaines sur l'attirance des contraires, il a inventé un couple excessif et absurde sur lequel son regard s'est fait chaleureux : un cambrioleur bas de plafond (qu'il interprète), accusé de gober, comme des oeufs, les yeux de ses victimes. Et une juge coincée (Sandrine Kiberlain, aussi fantaisiste que la Danielle Darrieux des années 1930), qui, sous l'emprise de l'alcool, devient aussi ingérable que Kim Basinger dans Boire et déboires — pour en revenir à Blake Edwards. Six mois après un Nouvel An très alcoolisé dont elle ne se souvient absolument pas, Ariane se retrouve enceinte. Mais de qui ? Après une enquête désordonnée où elle soupçonne à tort un confrère qui va le payer cher, elle se convainc — quelle horreur ! — que le géniteur n'est autre que le gobeur d'yeux qu'elle doit précisément inculper. Mais le « tueur » s'évade, s'introduit chez elle et la séquestre en la suppliant de l'aider à prouver son innocence... Il ne se sait pas père. Elle ne veut surtout pas qu'il le sache. Elle tremble pour son honneur et lui, pour sa vie. Ils sont totalement étrangers l'un à l'autre. Pourtant, leur cohabitation forcée leur permet, insensiblement, de se découvrir différents : lui, un peu moins débile, elle, beaucoup moins crispée. Le cinéaste se fait tout gentil, tout tendre pour suggérer, entre eux, ce sentiment qui naît. La folie douce de la première partie s'apaise : dans l'appartement d'Ariane, un mouvement de caméra circulaire, digne de Michel Deville (dont Dupontel fut l'interprète dans La Maladie de Sachs) accentue leur complicité. Brio technique que confirme l'ouverture du film : un plan-séquence étonnant, à la fois sophistiqué et utile, puisqu'il oppose deux mondes qui s'affrontent. Et deux faux-semblants : des fêtards en pleine « party », d'un côté, et de l'autre, une solitaire qui se croit à l'abri des autres, parce que murée dans ses certitudes... Le reste du temps, les portes claquent, les objets tombent, Sandrine Kiberlain s'assomme contre une porte, Dupontel s'invente des alibis déments. Comme dans le grand cinéma français de jadis, les seconds rôles rivalisent avec le couple vedette : surtout Nicolas Marié, irrésistible, lui, en avocat bête et bègue : sa plaidoirie finale atteint des sommets de loufoquerie dingue. De nonsense absolu. — Pierre Murat   Contre On savait qu'il ne détestait pas occuper tout l'espace dans ses films, entièrement dédiés à sa folie supposée. Mais on n'imaginait pas qu'Albert Dupontel irait jusqu'à se mettre en scène comme l'ultime objet du désir, l'unique chose qui manque à une femme brillante et autonome. C'est ce que raconte 9 Mois ferme, au-delà de sa mécanique comique. Le personnage de Sandrine Kiberlain se croit épanouie par sa seule réussite professionnelle de juge. Or une telle femme, suggère Dupontel, se trompe sur elle-même : sans le savoir, elle ne rêve que d'un rapport sexuel avec un délinquant rustaud comme celui joué par le réalisateur. Et même, elle souhaite éperdument un enfant de lui. Voire fonder une famille avec lui. Dupontel, le déjanté autoproclamé, serait-il normatif, voire extrêmement conservateur ? Il commence son film au féminin singulier pour mieux reprendre le pouvoir. En plus, son personnage à lui est, de loin, le moins intéressant, porteur d'un humour beauf et d'une imagerie gore attardée. Mais c'est encore à lui qu'il réserve, comme d'habitude, la touche de tendresse tardive, tandis que les seconds rôles suppliciés (l'avocat bègue, le collègue de la juge, frappé et re-frappé jusqu'au sang) sont débarqués sans égard ni clin d'oeil. Que la juge découvre a posteriori son comportement sur des images de télésurveillance est certes une idée efficace et drôle. Mais on l'a déjà vue à l'oeuvre, il y a un an, dans une autre comédie policière française, Pauline détective, de Marc Fitoussi. Or, c'est fâcheux, l'héroïne en était déjà l'excellente Sandrine Kiberlain... — Louis Guichard