Diffusions passées:

Le rôle de la moto au cinéma

L’amant double, diffusion du lundi 05 novembre 2018 à 01h45

Une jeune femme fragile devient l’amante de jumeaux que tout oppose. Un film en trompe-l’œil et délicieusement ambigu, comme seul le cinéaste sait les faire. Critique : | Genre : faux-Semblants. Chloé a mal. Au ventre, surtout. Quelque chose la ronge de l’intérieur. Rien de tel qu’un psy pour découvrir quoi. Celui qu’elle se choisit, Paul, est blond, doux, attentif, équilibré. Enfin pas tant que ça, puisqu’il lui déclare sa flamme et décide de vivre avec elle. Un jour, Chloé aperçoit son compagnon en conversation avec une autre — ce qu’il nie… Interdite, puis intriguée, Chloé découvre que Paul a un frère ­jumeau caché, psy comme lui… François Ozon est l’un des rares cinéastes actuels à distiller, de film en film, l’idée déconcertante que ses images mentent. Qu’elles peuvent tromper. Avec lui, on a toujours deux films pour le prix d’un : celui qu’il exhibe, avec des tours de passe-passe visibles, tel un styliste surdoué. Et celui qu’il dissimule et réserve aux plus exigeants… Côté spectacle, François Ozon multiplie les références (Brian De Palma, Alfred Hitchcock), qu’il assume et magnifie grâce à une mise en scène qui ne cesse d’insuffler une douce et suffocante sensation de malaise. Ce formalisme n’est qu’un trompe-l’œil : il lui permet de s’infiltrer, comme un voleur, dans l’inconscient de personnages imprévisibles et ambigus — on songe au moment, presque drôle, où Chloé s’aperçoit que les deux frères psys se désirent bien plus qu’ils ne la désirent, elle… Dans ce périple cru, cruel, brutal, le cinéaste cerne ses héros avec une précision de clinicien. Conforme, sans doute, à l’idée qu’il se fait de l’humanité : un monde de névrosés, cabossés et fragiles, séduisants et séducteurs, à jamais inguérissables.

Le rôle de la moto au cinéma

L’amant double, diffusion du lundi 28 mai 2018 à 23h25

Le rôle de la moto au cinéma

L’amant double, diffusion du mercredi 16 mai 2018 à 23h01

Le rôle de la moto au cinéma

L’amant double, diffusion du dimanche 13 mai 2018 à 00h45

Le rôle de la moto au cinéma

L’amant double, diffusion du mardi 08 mai 2018 à 21h01

Une jeune femme fragile devient l’amante de jumeaux que tout oppose. Un film en trompe-l’œil et délicieusement ambigu, comme seul le cinéaste sait les faire. Critique : Chloé (Marine Vacth, toujours aussi belle, de plus en plus hitchcockienne) a mal. Au ventre, surtout. En fait, partout. Rien ne va. Elle qui devait se déployer comme un phénix s'est lentement repliée sur elle-même. Quelque chose la ronge de l'intérieur... Rien de tel qu'un psy, dit-on, pour vous aider à aller mieux, en vous fouillant le coeur et l'esprit. Celui qu'elle se choisit est blond, doux, attentif, équilibré. Enfin pas tant que ça, puisque Paul (Jérémie Renier) avoue vite, pour sa cliente, une attirance incompatible avec sa déonto­logie professionnelle, que la jeune femme, à chaque séance plus belle, accueille avec enthousiasme... Les voilà ensemble et heureux. Un jour, en sortant du musée où elle travaille comme gardienne, Chloé aperçoit son compagnon en conversation avec une autre — ce qu'il nie... Interdite, puis dévastée, Chloé découvre que Paul a un frère ­jumeau, caché et détesté, psy comme lui, et encore plus amoral. Dès la deuxième séance avec celle qu'il semble connaître déjà — comment est-ce possible ? —, Louis (toujours Jérémie Renier, mais plus brutal, plus féroce, plus fascinant) attire Chloé dans sa cham­bre, dans son lit, et la fait jouir. Mieux que tout le monde. Mieux que son frère... Partagée entre ses deux amants qui semblent n'en faire qu'un, Chloé se perd. Ses douleurs au ventre reviennent et deviennent insupportables... François Ozon est l'un des rares cinéastes actuels — le seul, peut-être — à distiller, de film en film, l'idée déconcertante que ses images mentent. Qu'elles peuvent tromper, en tout cas. Au spectateur de sortir de la passivité que le cinéma exige le plus souvent pour les ­déchiffrer, les questionner. Avec Ozon, on a (presque) toujours deux films pour le prix d'un : celui qu'il exhibe, avec des tours de passe-passe visibles, comme pour rassurer ses détracteurs qui veulent ne voir en lui qu'un styliste super­ficiel. Et celui qu'il tisse en douce, qu'il dissimule comme dans un palimpseste, destiné aux « happy few » chers à Sten­dhal, pour qui l'apparence est un piège. C'était le cas de 8 Femmes (2002), où le film no 1 — une grosse farce policière empruntée à un auteur boulevardier, Robert Thomas — écrasait volontai­rement le no 2 : la peinture sombre, presque désespérée, d'un huis clos peuplé de monstres dont les chansons, pourtant, révélaient, comme des bouffées de nostalgie, une humanité perdue. Récemment, dans Frantz, tout en s'attachant à raconter l'histoire prin­cipale — le parcours entrepris par une jeune femme (Paula Beer) vers une renaissance possible —, Ozon fignolait la secondaire : l'amitié ambiguë, même si imaginaire, d'Adrien (Pierre Niney) pour Frantz. Un geste tout juste ébauché, un regard prolongé une seconde de trop, et le cinéaste suggérait qu'au-delà du meurtre qu'il cherchait à expier à toute force, Adrien avait un autre secret — enfoui en lui et nié... Inspiré d'un court roman de Joyce Carol Oates, L'Amant double est l'aboutissement de cette dualité permanente. Côté spectacle, des références cinéphiliques évidentes : des jumeaux sortis de Soeurs de sang, de Brian De Palma, des entrelacs d'escaliers vertigineux, comme chez Alfred Hitchcock, des secrets derrière la porte, comme chez Fritz Lang, des animaux inquiétants à la Jacques Tourneur, et une voisine étrange et envahissante comme la sorcière de Rosemary's Baby, de Roman Polanski. Emprunts assumés, magnifiés par une mise en scène volontairement voyante et sophistiquée, qui insuffle vite une douce mais suffocante sensation de malaise. La peur que l'on éprouve au début d'un cauchemar à peine amorcé, devant un danger présent, mais invisible. Tout se brouille, la réalité se dérobe, l'univers devient cotonneux, spongieux, visqueux presque... Ce décor en trompe-l'oeil permet au cinéaste de s'infiltrer, comme un voyeur, comme un voleur, dans l'intimité de personnages que l'on croyait connaître par coeur. Et d'inventer. D'oser, si l'on ose dire. Le plan surprenant, quasiment surréaliste, d'un oeil sur un sexe de femme. Les moments oniriques où les expositions du musée que surveille Chloé semblent muer, se métamorphoser en menaces qui la guettent, la cernent, pour mieux se l'approprier. L'avaler. La dissoudre. Sans oublier la scène où, s'imaginant faire l'amour avec les jumeaux, Chloé s'aperçoit que les deux frères se désirent bien plus qu'ils ne la désirent, elle... Une fois de plus, Ozon filme un parcours de femme. A l'opposé de celui, rassurant, entrepris par l'héroïne de Frantz, le périple de Chloé est cru, cruel, brutal. Jamais dans ses films précédents le cinéaste n'avait approché ses personnages avec une telle élégance froide, une telle précision clinique. Conforme, sans doute, à l'idée qu'il se fait de l'humanité souffrante : un monde de névrosés, cabossés et fragiles, séduisants et séducteurs, à jamais inguérissables... — Pierre Murat   | En salles le 26 mai. Joyce Carol Oates     « J'admire depuis longtemps Joyce Carol Oates. Le fait qu'elle soit graphomane m'a toujours séduit. Quand j'ai appris qu'elle écrivait des romans policiers sous le pseudonyme de Rosamond Smith, je me suis intéressé aussitôt à ces "romans mineurs", sachant que son imagination débordante serait propice à une intrigue pour le cinéma. C'est ainsi que j'ai découvert Lives of the twins. J'ai rendu l'histoire plus mentale, inscrite dans une réalité plus française, et ajouté la révélation médicale finale. On retrouve, néanmoins, dans le film, ses sujets de prédilection : la névrose, le sexe et la gémellité dans ses aspects les plus noirs » (François Ozon).